Le lundi de l’angoisse

paperwork1– Lundi matin, 18 septembre 2037, 10h13 –

C’est encore envahi par le souvenir de cette monumentale soirée de débauche en tout genre, bien trop vite passée, que je m’assieds devant cette immense pile de CV et lettres de motivation envoyés par des jeunes et moins jeunes souhaitant rejoindre les rangs de la société pour laquelle je travaille…

Des vapeurs d’alcool s’échappent encore de mon jean imbibé de rhum – c’est sûr, j’aurais dû le laver ou au moins le remplacer…  Ma molaire creuse, rongée par mes 15 clopes quotidiennes et les bâtons de réglisse de substitution, semble avoir justement choisi ce jour pour se réveiller et m’infliger une douleur tonitruante…

Ça commence bien !

golden-eggLongtemps repoussée car peu passionnante et surtout n’étant pas DRH, j’avais pourtant la tâche de trouver, dans cette immensité de candidatures, LA perle rare pour un poste très insignifiant et je dois maintenant rendre des comptes… à 11h00 !

Arrivant de façon exponentielle depuis les nouvelles mesures du gouvernement fédéral des Etats-Unis d’Europe statuant sur l’arrêt brutal du versement des indemnités de chômage, ces courriers ont envahi mon bureau, toutes mes étagères et même des dossiers n’ayant pourtant rien à voir… Pendant tout ce temps, toutes ces lettres se sont insinuées dans chaque interstice laissé vacant. La réalité en vacille même avec l’afflux, encore plus massif, de candidatures numériques qui polluent dorénavant mes ordinateurs, professionnel et personnel, ma tablette, mon mobile et  même le panneau de rétro-information de ma porte d’entrée…

C’est avec professionnalisme, mais bien trop tard, que j’aborde cette mission qui pourtant m’éloigne de l’essentiel…  Tel un Champollion des temps modernes, me voilà amusé lorsqu’il s’agit de déchiffrer les obscures missives manuscrites où mots et signes inconnus fusionnent.

Malheureusement, qu’ils soient lisibles ou pas, ces courriers sont navrants, personne n’apporte de surprise (et je ne parle même pas des courriers numériques formatés par le système d’exploitation Universel Glogle YXZ 3.8…). Tous les candidats justifient la nécessité de trouver un emploi pour avoir le luxe de manger ailleurs que dans les « cantines », des sortes de « soupes populaires » semblables à celles qui existaient à partir de la 2d moitié du XX siècle et remise au goût du jour et obligatoire par décret pour les familles qui ont plus d’un enfant, ou si les deux conjoints sont au chômage et/ou s’ils gagnent moins de 10 k€ par an. En effet la nourriture servie dans ces lieux, aux quatre coins de notre grande nation, a clairement été identifiée par les quelques laboratoires clandestins d’analyses qui subsistent comme étant cancérigène et ayant des effets directs sur la fertilité et la longévité…

Mais comment vais-je faire ? Faut-il que j’invente le CV qui plaira à mes supérieurs au risque d’être démasqué ?

resume

Le problème est que depuis l’application de la loi n°256AX du 12 mai 2033 qui rends les rapports sexuels entre collègues obligatoires à l’embauche (Loi attribuée au gouvernement mais décidée de façon déguisée par le Grand Conglomérat des Propriétaires en réaction aux milliers de prises d’otage, de séquestrations et d’homicides volontaires de petits patrons, contremaitres et autres directeurs, enregistrés en l’espace de 3 mois), le temps de l’ingéniosité, du livre-arbitre est révolu et avec lui la possibilité d’évoluer dans sa vie.

Loi manichéenne : faire partie du système, vivre vieux et poursuivre une chimère qui jamais ne se livrera ou sortir du système, rendre visite aux cantines et mourir… vite !

Je ne sais pourquoi je me rends compte de cela, je n’ai pas d’explication. Est-ce un don ? Vais-je recruter une personne spéciale ? Est-ce la volonté du Grand Conglomérat, du gouvernement central ou d’opposants cachés ? Suis-je destiné à être manipulé pour une cause louable ou inavouable ? Aujourd’hui, je ne sais pas, un signe se présentera peut-être à moi… bientôt… Mais pour éviter d’éveiller des soupçons, j’ai choisi : les capacités du candidat que je dois recruter pour ce poste n’ayant aucune importance, autant faire en sorte que tous ses futures collègues l’apprécient au moins charnellement pour qu’ils ne viennent pas à reculons… Je m’arrête sur cet homme au nom de…

Charles-Henry Strauss Kahn

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